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Jour 6 – Les Indiens Emberá

Mardi, 4 février 2014

Nous quittons notre hôtel à 08h45. Une mini vanne fait le transit pour un autobus genre Intercité où des gens proviennent de Farallon (Royal Decameron) où nous serons dans deux jours. Un couple est avec nous dans le minil-bus. Ils sont de langue espagnol. Il a environ 60 ans et sa fiancée environ 35 ans. Ils se marieront à Paris cette automne. Ils sont vraiment sympathiques.

Nous faisons le transfert dans l'autobus à une jonction de la route. Nous y retrouvons la famille de La Sarre avec qui nous avions jasé lors de notre arrivée en attendant de passer les douanes.

La route est bonne sur la moitié du chemin. Mais rendus à la petite ville de Caimito, nous prenons un autre chemin qui, chez-nous, équivaudrait à un chemin de chantier non entretenu. L'autobus est au ralenti car c'est plein de trous. Nous contournons une immense cimenterie construite sur une montagne. Les gens vivent dans un petit bled tout près. Partout c'est saupoudré de poudre de ciment: sur les feuilles des arbres, les autos, les maisons.

Il fait toujours 30°C et nous allons bientôt rencontrer les indiens de la tribu Emberá. Depuis le temps que j'apprends sur eux. C'était un de mes incontournables. À chaque voyage, s'il y a des indiens d'origine, je vais les visiter. Ils me fascinent. Sur la route, ce matin, le guide nous a arrêtés à un centre commercial REY pour acheter des souliers pour marcher dans l'eau, des denrées comme due sel, du sucre et du riz pour donner aux familles et des  crayons et des biscuits pour les enfants mais pas de bonbons car le chef du village veut prévenir la carie dentaire chez les petits.

C'est à cet arrêt que nous apprenons que nous allions visiter des chutes et marcher dans l'eau! J'ai mes sandales Croc, ma petite jupe blanche, ma tablette dans les mains et hop-là! madame est surprise. Naturellement, je me fais regarder comme si j'allais magasiner. Je ne peux blâmer ces regards ahuris. Je le suis moi-même. Bon!

Après 1h¼ de route en autobus, nous arrivons à un débarcadère où plusieurs pirogues motorisées nous attendent. Nous montons à bord, une vingtaine de personnes assises deux par deux. Nous remontons le Rio Chagres pour rejoindre le San Juan. Nous sommes conduits de main de maître par deux membres de la communauté Emberá, un à l'arrière au moteur, l'autre à l'avant debout sur la pointe de la pirogue pour signaler les obstacles. Une randonnée d'environ 10 minutes nous mène au village mais nous ne descendons pas. Le guide descend des glacières et les denrées achetées comme cadeaux. Nous repartons immédiatement pour les chutes.

La promenade est agréable: la brise, le soleil, le décor forment un enchantement, mais pour nos fesses, c'est un peu le désespoir car des planches de bois servent de siège et nous sommes plus accroupis qu'assis! Le lac n’est pas très large et nous longeons parfois ses rives d’où s’envolent quelques aigrettes blanches. Des morceaux d'arbres flottent sur l'eau et nous rappellent qu'il y a des alligators ici !  Mais à cette heure-ci du jours, ils doivent tous être en train de se chauffer la couenne au soleil plutôt que d'essayer d'attraper quelque chair blanche touristique et sans saveur! Mais la vigilance de nos deux piroguiers est superbe et ils manœuvrent  pour éviter ces obstacles flottants et aussi que le fond de la pirogue accroche cailloux et rochers.

Arrivée aux chutes je réalise qu'il me faudra jouer de stratégie pour éviter de me casser la figure. Une fois débarqués de la pirogue, nous devons marcher sur les rochers de la rive pour atteindre les chutes et cela relève parfois de l'escalade pure et simple. Mais un jeune indigène m'offre la main comprenant que je ne peux sauter équipée de cette manière. Il prend ma tablette, les pieds dans l'eau, son magnifique pagne coloré attaché aux hanches, le sourire fendu jusqu'aux oreille, je peux dire que c'est une situation très agréable. J'en oublie mes sandales et ma jupe blanche.

Rendue à destination, je suis décue. C'est plus une cascade qu'une chute. Le décor est magnifique. Des gens se baignent dans un petit lac au bas de la chute. Je me croyais obligée de m'y rendre. Ben non! Nendo, mon guide, ne comprend pas l'anglais et il répond "si" à toute question posée. Un autre guide assis sur une roche m'informe que ce n'était pas nécessaire de se rendre ici. Donc, je reviens avec Nendo à notre point de départ. Je lui file un 5$ car il vient de ramener deux dames françaises qui ne lui ont rien offert.

Lorsque les trois pirogues sont à nouveaux remplies, nous revenons au village. Ce matin, nous avons attendu 3/4 d'heure pour le transit ce pourquoi il est déjà 12h30. Un 10 minutes de pirogue et nous voici chez les Emberá.

Originaire depuis 300 ans du Darien, les Emberá vivent dans la forêt au bord du Rio Chagres qui nourrit le Canal de Panama. Ils utilisent encore les coutumes ancestrales de la sarbacane empoisonnées pour chasser. Les hommes portent des pagnes, leur maisons sont sur pilotis avec des toits en feuilles de palme (Tambos). Ils décorent leur corps de pigments à base de plantes bois et tissent des paniers.

Ils nous accueillent en se tenant, les femmes d'un côté avec les enfants portant des colliers de perles de couleur, et les hommes de l'autre côté jouant des instruments locaux faits de carapaces de tortues, de graines géantes, flutes et "campanas". Ils portent le pagne de perles colorées, très court, soutenant une bande de tissu central cachant les bijoux de famille. Le sourire semblent leur marque de commerce. Nous arrivons dans un autre monde. Immédiatement le charme a opéré. Les sourires, le timbre de leurs voix, les superbes cheveux noirs descendant jusqu’à la chute des reins, les parures et paréos multicolores et la souplesse de leurs mouvements, tout est là pour nous conquérir à tout jamais.

Il faut dire que Balboa a épousé une indienne du nom d’Anayansi, réputée pour sa beauté. Il n’est pas le seul à avoir été conquis, de nombreux colons espagnols ont épousé ou se sont mis en ménage avec celles-ci.  Il est à noter que les premières femmes espagnoles envoyées sur le Nouveau Continent ne l’étaient pas à la demande des colons mais suite à une lettre de l’évêque qui tempêtait à propos de "relations indignes entre colons et sauvages". Un peu partout d'ailleurs dans le monde, où la religion s'en mêle, cette histoire se répète!

Je découvre que le Panama c’est aussi et surtout un pays tropical couvert de jungle, qu’il est constitué en grande partie de métis et qu’il y a encore, cachés dans la forêt profonde 10% d’Amérindiens de souche; ils s’appellent Cunas, Guaymis ou Emberá. Ils vivent en symbiose avec la nature, se soignent encore de plantes et de racines chassant et pêchant comme le faisaient leurs ancêtres et les ancêtres de leurs ancêtres.

Nous traversons une grande salle commune équipée d'un toit en feuillage où j'admire les fameuses Taguas, qui sont de petites sculptures faite à partir d’une graine très dure qui a été renommé l’ivoire végétal. Les Emberás sculptent à merveille le bois précieux du Cocobolo et tissent des paniers avec beaucoup de finesse, un travail de plusieurs jours. Leur artisanat est très apprécié.

Avec une population estimée à près de 15 000, les Emberás habitent dans la forêt tropicale du Darien mais certains se trouvent aussi le long du fleuve Chagres, qui sont ceux que nous visitons. Les Emberás et les Wounaans étaient anciennement connu sous le nom de Choco car ils ont migré depuis la province du Choco (Colombie) à la fin du 18e siècle, et non parce qu'ils ont la peau foncée.

Semi-nomades, ils vivent de façon autonome dans un ou deux petits groupes familiaux. Ils construisent eux-mêmes leurs abris le long des berges des rivières pour se déplacer. Leur logement est surélevée sur des poteaux à plusieurs mètres du sol pour former une plateforme. Ils dorment sur des nattes et les enfants, dans des hamacs ou sur des sièges en bois protégés par des moustiquaires. Dans la plupart des régions, la pêche confèrent aux homme un certain prestige, en plus de celui de fournir de la nourriture. La chasse s’exerce seul, habituellement avec un fusil et un chien de chasse. Dans les régions montagneuses, la sarbacane est encore couramment utilisée avec deux types de poisons: l’un est végétal et attaque le cœur, l’autre est dérivé d’une espèce de grenouille. En matière de pêche, les Emberá utilisent de nombreuses techniques différentes, la pêche à la ligne, le harpon, le filet de coulée, le poison “barbasco” et plus récemment, la plongée avec un masque.

Il y a plus de 10 ans, des familles d'indigènes Emberás migrèrent des forêts tropicales de la jungle du Darien vers les rives du Chagres, non loin de Panama City. Le Rio Chagres est la principale source d'eau du Canal de Panama. Son importance pour l'économie du pays est telle que le Parc National du Chagres a été créé en 1984 pour le préserver.

Nous sommes au Parara Puru qui est parmi l'un de ces villages Emberás établis le long du Chagres suite à la décision de son chef, Antonio Tocamo. Ses habitants nous ouvrent leur porte pour nous présenter les coutumes et croyances qu'ils ont conservées de leur vie dans la jungle du Darien.

Vers 12h30: le chef Tocamo et les indigènes du village nous présentent leurs fêtes, leurs danses curatives, les produits naturels avec lesquels leur artisanat est fabriqué. Un espace d’échange est également consacré aux questions et explications sur leur mode de vie social, religieux, économique et culturel.

Malheureusement, le dîner est servi en même temps que ces renseignements nous sont transmis. Nous perdons beaucoup d'informations car les gens se parlent, se questionnent, se lèvent alors que la guide qui interprète les données espagnoles oublie de traduire si l'Embera dépasse l'explication de plus de 20 mots. C'est un peu désolant! Mais nous comprenons assez l'espagnol pour nous passer de la traduction.

Nous sommes chanceux d'être sous un grand toit de palme pour dîner. Un repas très pittoresque nous attendait : dans un cône de feuilles de balisier tressées en guise d’assiette, nous avions du poisson de la rivière, grillé et des beignets de bananes plantain , le dessert, disposé sur un lit de feuilles était constitué de fruits délicieux, ananas, bananes, mangues, fruits de la passion et melons.

L'atmosphère est festive. Pendant que l’orchestre reprend les rythmes qui nous ont accueillis, les femmes Emberás dansent, souriantes, ravies semble-t-il de s’amuser en notre honneur, parées de leurs plus beaux atours: les femmes,  fleurs dans les cheveux et pagnes chatoyants, seuls colliers de perles pour couvrir leurs poitrines dénudées, dansent en portant sur leur bras d’adorables bébés potelés. Leur peau a la couleur du caramel, ils ont de grands yeux noirs et des cheveux sombres et lisses. Nous sommes bientôt invités à nous joindre aux danseurs. Notre différence de morphologie nous fait un peu penser à blanche neige chez les sept nains. L'atmosphère festive créée rapproche les gens. Ils sont chaleureux ces Emberás!

Le village est construit en hauteur et sur pilotis pour éviter les inondations pendant la saison des pluies, elle commence en avril et va durer jusqu’à l’automne. Toits de palme et murs ouverts sur la forêt environnante, il y a des cases pour cuisiner, des cases pour dormir, d’autres pour les palabres. Peu à peu les enfants, timides au début, s’enhardissent courent et rient sans plus s’inquiéter des nouveaux visiteurs que nous sommes.

De toutes évidences les indiens Emberás ont l’habitude de recevoir des gens comme nous, si différents de leurs racines, de leur culture, de leurs ancêtres. Ils sont souriants et ravis de nous proposer leur artisanat qui constitue une des principales ressources de la communauté. Modernité oblige, même ici, ils achètent en ville les tissus , le pétrole, l'essence et ont pour cela besoin de monnaie d’échange. L’artisanat est basé sur ce que leur offre la nature: sculptures en ivoire végétal creusées dans une noix de Tagua, laissées brutes ou peintes de couleurs vives, bijoux de fibres et de graines, pirogues miniatures en bois précieux, instruments de musique. Les jeunes enfants ont une école primaire en revanche les adolescents, s’ils veulent poursuivre leurs études, doivent partir habiter en ville plusieurs années. Peu le font en réalité et presque tous reviennent vivre au sein de la communauté. Ils ne se marient pas; ils se choisissent librement durant une cérémonie qui officialise l'union. Les femmes sont mères très jeunes.

Dans sa législation, l’État panaméen a reconnu les droits des peuples indigènes en incorporant le système des régions indigènes avec un système administratif autonome; la loi sur les connaissances traditionnelles a été ratifiée et des institutions pour l’éducation interculturelle et bilingue ont été créées. Ces réglementations et politiques publiques constituent un effort d’amélioration des relations entre les peuples indigènes et l’État.

Certains points devant être discutés dans un dialogue constructif entre les peuples indigènes et le gouvernement panaméen incluant : la violation du territoire et l’incertitude juridique concernant leurs terres qui sont menacées par la construction de projets hydroélectriques et l’invasions de colons, l’illettrisme, le manque d’accès aux services publics, le travail des enfants indigènes, le manque de représentation des peuples indigènes dans l’adoption des politiques publiques, et le besoin de créer une région pour les peuples indigènes qui n’ont pas système spécifique, comme les Naso et les Bribri. Les Emberás ont déjà un pas d'avance sur les autres tribu au niveau ententes.

Vers 15h00, le signal du départ est donné: les femmes, les hommes et les enfants se rassemblent devant nous pour la photo de groupe. Pascal me prend en photo avec le chez auquel je refile un dollar pour le remercier. Un gros bruit de moteurs provenant de la rivière nous fait tous sursauter : 3 moto-marines montées par des cowboys sillonnent la rivière sans impunité. Spectacle désolant pour nous mais très embarrassant pour les indiens Emberás qui semblent impuissant à les empêcher. Et nous voilà tous repartis en pirogue vers nos autobus climatisés et le retour à la civilisation.

À un carrefour routier, notre mini-bus nous attend pour nous ramener à Panama City alors que l'autobus va poursuivre sa route vers le Royal Decameron.

Nous faisons nos adieux aux gens de La Sarre qui repartent dans deux jours pour la froidure du Québec. Pendant le trajet vers la ville de Panama,  j'ai demandé à notre chauffeur de nous arrêter pour que je puisse  acheter 2 bouteilles de rhum Abuelo vieilli 7 ans pour fêter avec les filles. Surprise : Pascal découvre deux calottes Abuelo Panama avec les bouteilles! Il est bien content. Au Hard Rock, nous saluons le couple de nouveaux fiancés et prenons la direction de notre Decapolis Radisson juste à coté.

Pascal va dans le lobby prendre une couple de Bloody Mary et me rejoint pour le souper. Même si son talon gauche le handicape encore, cela ne l'a pas empêcher de faire toutes les activités de la journée. Espérons que cette tendinite se résorbera.

Hasta luego!

 

 

1 thought on “Jour 6 – Les Indiens Emberá

  1. danielle

    Allo Raymonde! Merci pour le cours d'histoire et tout ce soleil que tu envoies à travers ton blogue.

    C'est vraiment très intéressant et on entend parler ces derniers jours au Québec des problèmes de cons-

    tructions du Canal de Panama. Salutations à Pascal.

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